Quand un noir arriva 1er en Allemagne nazie

Le 4 août 1936, Jesse Owens remporte la médaille d’or du saut en longueur devant l’allemand Luz Long et le japonais Naoto Tajima, aux Jeux Olympiques de Berlin. On pourrait croire, connaissant le contexte politique et surtout le racisme propre au régime de l’Allemagne nazie, que la victoire d’un afro-américain face à un athlète blanc représentant l’archétype même du « parfait aryen » ait put créer un climat de tension durant ces jeux. Pourtant, il s’agit d’une idée reçue, entretenue à l’époque par des opposants au 3eme Reich qui ont vu là l’opportunité de s’en prendre directement à Adolf Hitler, et bien sûr critiquer les théories raciales du régime.

D’après les mémoires de Jesse Owens lui-même, Luz Long, le jeune athlète allemand, aurait ainsi été le premier à être venu le féliciter après son incroyable saut lui ayant permit de remporter la médaille d’or, et les deux hommes sont même devenus des amis proches après les jeux. Malheureusement rattrapés par le cours de l’Histoire, leur amitié prit fin brutalement lorsque Luz mourut sur le front en Sicile pendant la Seconde Guerre Mondiale, non sans avoir adressé une dernière lettre à son ami américain en lui demandant d’aller voir son fils après la guerre, et de lui raconter « comment deux hommes sur cette terre peuvent être amis ».

Sous le 3eme Reich, le statut des noirs est relativement ambigu: si à l’instar des juifs ils ne possèdent aucun droits fondamentaux dans la société et n’ont pas de passeport, ils ne sont eux pas déportés dans des camps de concentration, et leur présence est tolérée même au sein des structures officielles du régime, dont la Werhmacht où plusieurs africains ont fait leurs armes. Plus que les noirs, ce sont les métis allemands qui eux sont persécutés: 400 d’entre eux seront stérilisés de force dans le cadre de l’Aktion T4, étendue pour l’occasion par Hitler à ces « Bâtards de Rhénanie ».

Une rumeur voudrait aussi qu’Hitler, fou de rage de voir un noir gagner, ait refusé de serrer la main à Jesse Owens, mais celle-ci serait infondée: l’athlète révéla dans ses mémoires que le chancelier allemand serait venu le féliciter en personne, tandis que Franklin Roosevelt lui-même aurait refusé de le recevoir à la Maison Blanche. Cette victoire intervient surtout, davantage que dans le contexte de la montée du nazisme et du racisme en Allemagne, dans celui de la ségrégation raciale aux Etats-Unis puisque malgré ses nombreuses victoires, Jesse Owens resta privé des droits civiques accordés aux blancs en Amérique de la même manière qu’en Allemagne.

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Jesse Owens, vainqueur du saut en longueur, salue le drapeau américain sur le podium. Source: Archives fédérales allemandes.

Sur cette photographie, de manière plus anecdotique, l’homme tenant un chapeau entre Naoto Tajima et Jesse Owens n’est autre que Jigoro Kano, fondateur du Judo. Il assistait là aux derniers jeux olympiques de sa vie, puisqu’il mourut 2 ans plus tard d’une pneumonie. 28 ans plus tard, le judo devenait discipline olympique aux Jeux de Tokyo de 1964.

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Une pensée sur “Quand un noir arriva 1er en Allemagne nazie

  • 18 mai 2018 à 13 h 22 min
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    Vos articles sont toujours très intéressants et celui-ci particulièrement.

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