Petits métiers disparus d’autrefois en peintures

On part aujourd’hui à la rencontre de ces petits métiers emblématiques qui faisaient encore partie de notre quotidien il y a un siècle!

Les falotiers

L’un des petits métiers urbains d’autrefois les plus insolites et les plus méconnus est celui d’allumeur de réverbères, également appelé falotier. En 1776, Paris se voit doter des premiers réverbères à l’huile, rapidement remplacés par un système d’éclairage à bec de gaz en 1812, qui avait tout d’abord été mis en place dans la ville de Bruxelles. Avec l’expansion urbaine des capitales (Paris passant de 550 000 à plus de 2 millions d’habitants en seulement un siècle), les réverbères deviennent un symbole indispensables de la vie urbaine moderne et ce métier, bien que précaire, constitue une vraie fierté pour ceux qui l’exercent. Exercé souvent en complément d’une autre activité, il nécessitait d’être présent au bureau de la mairie à 6 heures du matin pour éteindre les réverbères, puis de revenir le soir en disposant d’environ 40 minutes pour allumer tous les réverbères dont l’allumeur était responsable au sein d’un quartier, le tout pour un salaire d’environ trois francs. Après l’invention de l’ampoule électrique par Thomas Edison, présentée à l’Exposition Universelle de 1889, les lampadaires à bec de gaz deviennent progressivement des lampadaires électriques et les allumeurs se voient contraints de se reconvertir, beaucoup d’entre eux restant employés par la mairie à l’entretien de ces nouveaux lampadaires électriques.

Erik Ludvig Henningsen (1855-1930), The lamplighter, 1895, huile sur toile, collection privée.
Erik Ludvig Henningsen (1855-1930), The lamplighter, 1895, huile sur toile, collection privée.

Erik Ludvig Henningsen est un peintre et illustrateur danois, connu pour ses tableaux au réalisme social qu’il réalisa durant les années 1880-1890. Dans ses œuvres, il aimait à représenter les conditions de vie de certaines catégories de la population telles que les sans-emplois, les femmes, les enfants, les personnes âgées et les ouvriers, l’une ou l’autre de ces populations occupant toujours une place centrale dans ses peintures. Ses sujets changèrent progressivement au début du XXème siècle, où il se consacra à la représentation de scènes de genre tirées du quotidien de la bourgeoisie.

Les blanchisseuses

Autre métier disparu: la blanchisseuse, qui jusqu’au début du XXème siècle nettoyait le linge fin, les habits du dimanche ou les robes de dentelle des familles aisées. Alors que l’eau chaude courante n’existait pas encore, ce travail nécessitait l’utilisation de cendres de bois pour laver le linge dans les cours d’eau, les baquets ou les lavoirs, comme par exemple le lavoir collectif de Saint-Pierre à Montmartre représenté ici par le peintre Gaston Marquet. Le linge fumant était ensuite battu avec un fer afin de l’essorer et de le faire sécher, une tache particulièrement pénible et éreintante. A la belle saison, les blanchisseuses pouvaient travailler jusqu’à 14 heures par jour au XIXème siècle. Avec l’automatisation des taches ménagères et l’apparition de la machine à laver, dont l’utilisation se démocratise au sein des foyers dans les années 1960, ce métier, en plus de perdre de sa pénibilité, s’est réorienté et s’adresse aujourd’hui non plus aux particuliers, qui peuvent désormais laver leur linge eux-mêmes, mais est devenu un service industriel aux milieux ayant besoin de laver du linge en grande quantité.

Henri de Toulouse-Lautrec (1864–1901),La Blanchisseuse, 1889, huile sur toile, collection privée.
Henri de Toulouse-Lautrec (1864–1901),La Blanchisseuse, 1889, huile sur toile, collection privée.

Figure du peuple par excellence, la blanchisseuse, ouvrière à la réputation légère a été incarnée dans la littérature par le personnage de Gervaise dans l’Assommoir d’Emile Zola paru en 1876; néanmoins, elle constitue aussi un thème très prisé des peintres de la fin du XIXème siècle, lorsque l’art s’émancipe des sujets conventionnels pour représenter les réalités sociales de son temps et le quotidien des hommes et des femmes de la « vraie vie », comme le disait Degas.

La jeune femme rousse qui regarde ici mélancoliquement à travers la fenêtre de sa soupente est une ouvrière de Montmartre appelée Carmen Gauduin, qui servit à plusieurs reprises de modèles à Toulouse-Lautrec,-fasciné par ses cheveux cuivrés- à partir de 1884, mais aussi à Alfred Stevens et à Berthe Morisot pour son Nu vu de dos (1885). Grâce à une vue légèrement montante, le tableau de Toulouse-Lautrec met en évidence les mains fermement appuyés sur la table et le dos contracté de la modèle, dans une attitude assurée, presque de rébellion, qui contraste avec les représentations habituelles des ouvrières dans l’art de l’époque, habituellement représentée comme des victimes d’une société qui les écrase, mais qui tranche aussi avec les représentations iconographiques habituelles  personnages à la fenêtre. Si la jeune femme est rêveuse, le tableau offre ainsi une prise remarquable avec le réel, sans complaisance aucune, mais avec une vraie sympathie pour le modèle.

Les repasseuses

Une autre profession féminine très similaire et également représentée par les peintres naturalistes sont les repasseuses qui, elles, passaient leur temps à l’intérieur dans une atmosphère de chaleur embuée. Les repasseuses pouvaient travailler seules chez elles, quand leur habitation le permettait, mais le plus souvent elles étaient rassemblées dans des buanderies collectives. Parmi leurs représentations les plus remarquables, on pense évidemment à celles de Degas, fasciné par le mouvement et qui s’intéressa particulièrement à la précision mécanique de leurs gestes et au poids d’un tel labeur parfois soutenu par une bouteille d’alcool, à une époque où l’alcoolisme frappe de plein fouet les milieux ouvriers, mais on peut aussi citer les tableaux de  Louis Joseph Anthonissen et du russe Abram Arkhipov. Comme dans le cas des blanchisseuses, c’est tout naturellement, avec le boom de l’électroménager et l’apparition du fer à repasser dans les foyers au cours des années 50, mais aussi celle des pressings, que cette profession finira par disparaître, même si leur tache reste parfois endossée aujourd’hui par des aides ménagères à domicile.

Edgar Degas, Repasseuse,1876-1887, huile sur toile, National Gallery of Art.
Edgar Degas, Repasseuse,1876-1887, huile sur toile, National Gallery of Art.

Les modistes

Johann_Hamza_(1850-1927)_Die_Putzmacherinnen_1902
Johann Hamza (1850-1927), Die Putzmacherinnen (Les modistes), 1902, huile sur toile, Vienna Museum.

Ce tableau décrit un autre métier ouvrier très répandu au XIXème et au début du XXème siècle: les modistes, des femmes chargées de confectionner les chapeaux, le plus souvent des modèles uniques. Cette profession, liée à la nécessité sociale de se couvrir la tête en public quand on était une femme « respectable », a peu à peu disparu avec le fin de cette exigence vestimentaire après la Belle-Epoque. Femmes de modeste condition, les modistes devaient le plus souvent, comme tous les métiers de l’artisanat de mode à une époque où le prêt-à-porter n’existait pas encore, satisfaire aux demandes de riches clientes desquelles dépendait leur pérennité financière, et la situation de ces discrètes artisanes du luxes a aussi suscité l’admiration de Degas, qui les a croquées dans plusieurs toiles. Fait amusant, outre Degas, on retrouve encore Zola qui s’est intéressé au milieu des petites boutiques de mode parisiennes dans Au bonheur des dames, un autre roman des Rougon-Macquart publié en 1883.

Les colporteurs

Jules Bastien-Lepage, Le Petit Colporteur endormi, 1882, huile sur toile, Musée des beaux-arts, Tournai.
Jules Bastien-Lepage, Le Petit Colporteur endormi, 1882, huile sur toile, Musée des beaux-arts, Tournai.

Au XIXème siècle, les colporteurs, ces vendeurs ambulants de petits objets  qui parcouraient les villes et les campagnes constituent encore une profession très répandue, et comme le montre cette toile du peintre naturaliste français Jules Bastien-Lepage, réalisée deux ans avant sa mort prématurée à 36 ans en 1884, ces-derniers étaient le plus souvent recrutés très jeunes parmi les milieux paysans et les saisonniers qui cherchaient à gagner leur vie durant la basse-saison lorsqu’il n’y a pas de travaux des champs. Contrairement à  une idée reçue, les colporteurs suivaient un itinéraire très précis et prédéterminé, et leur activité était d’ailleurs soumise à une réglementation de longue date de la part des autorités, dont la première ordonnance remonte à Philippe le Bel et qui fut également réformée sous Louis XV. Si les colporteurs ont aujourd’hui disparu de notre quotidien, c’est que leur métier a été rendu obsolète par le développement des transports, notamment des transports ferroviaires et routiers, lié au progrès de l’industrialisation au XXème siècle et qui permet désormais de transporter rapidement des marchandises entre les villes à plus grande échelle.

 

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