Les couples qui ont fait l’Histoire: les libérateurs des peuples germaniques

Figure historique du héros libérateur de son peuple, Arminius, également appelé Hermann en allemand, est aussi connu pour son histoire d’amour tragique avec la belle Thusnelda, fille d’un autre chef de clan germanique…

A l’automne de l’an 9 après Jésus-Christ, après avoir tendu une embuscade à plus de 20 000 soldats, le chef de guerre germanique Arminius, issu de la tribu chérusque, défait 1/8 de l’armée de l’empire romain à la bataille de Teutobourg, mettant ainsi un coup d’arrêt brutal à la conquête de la Germanie entreprise sous le Principat d’Auguste.

Rome n’avait pas connu de telle défaite depuis la bataille de Cannes qui l’avait opposée aux Carthaginois d’Hannibal Barca en 216 av. J.-C et se souviendra longtemps de cette bataille, qui découragera sa politique hégémonique envers les peuples germaniques, comme le « désastre de Varus« .  A l’inverse, de l’autre côté du Rhin, la bataille permit à Arminius, qui avait pourtant été élevé au sein de l’Empire romain contre lequel il  finit par se retourner à son retour chez les siens, de fédérer temporairement la Germanie. Il est d’ailleurs possible, au vu des similitudes, que l’histoire d’Arminius ait inspiré Alexandre Astier pour le personnage du roi Arthur dans la série télévisée Kaamelott, où il est élevé à Rome avant de revenir fédérer les peuples bretons.

Mais quelques années plus tard, Arminius montre qu’il n’est pas qu’un chef de guerre brutal. En l’an 15, il fait la rencontre de Thusnelda, la fille d’un autre prince chérusque, Ségeste, qui, lui, est allié aux Romains et a déjà promis la main de sa fille à un autre. Arminius décide alors d’enlever la jeune femme avec le consentement de celle-ci et l’épouse. Fou de rage, le père de la jeune fille saisit ce prétexte pour asseoir ses velléités belliqueuses à l’encontre du jeune et talentueux chef de guerre et le fait prisonnier.

Johannes Gehrts (1855–1921), Les adieux d'Arminius et Thusnelda, 1884, Lippisches Landesmuseum Detmold.
Johannes Gehrts (1855–1921), Les adieux d’Arminius et Thusnelda, 1884, Lippisches Landesmuseum Detmold.

Peu de temps après, Arminius est libéré mais le couple malheureux fait face à une nouvelle séparation qui sera cette fois-ci définitive, puisque la paix n’aura été que de courte durée au sein des tribus germaniques désormais à nouveau en proie aux dissensions et que le chef de guerre romain Germanicus, désireux de venger la bataille de Teutobourg, entreprend de retenter la conquête de la Germanie et parvient à  intimider les troupes d’Arminus sans remporter toutefois de victoire décisive.  Opportuniste et nourrisant secrètement encore le désir de se venger de son gendre, Ségeste offre alors sa fille à Germanicus comme gage de sa subordination, et celle-ci est envoyée en Italie à Ravenne, où elle donne naissance au fils d’Arminius, Thumelicus, avant d’être exposée comme butin de guerre au triomphe de Germanicus raconté par Tibère en l’an 17. L’histoire ne raconte pas ce qu’elle devint par la suite au sein de l’Empire romain, en revanche son mari connut lui aussi une destinée funeste. Après la bataille de Weser en l’an 16, où les deux camps subissent de lourdes défaites, et le rappel de Germanicus à Rome par l’empereur Tibère l’année suivante, où il est assassiné en l’an 19, Arminius finit ironiquement par connaître le même sort que son ennemi et par être assassiné à son tour en l’an 21 par des membres de sa propre tribu inquiets de son ambition et sa puissance militaire, une pratique au demeurant très courante à cette époque.

 Karl von Piloty (1826–1886), Thusnelda au triomphe de Germanicus, 1873, huile sur toile, Neue Pinakothek.
Karl von Piloty (1826–1886), Thusnelda au triomphe de Germanicus, 1873, huile sur toile, Neue Pinakothek.

Le destin de leur fils, enfin, ne devait pas être plus joyeux : après avoir été élevé par les Romains à Ravenne, il finit gladiateur et meurt dans l’arène alors qu’il est encore dans sa vingtaine.
En raison de leur héroïsme et leur destinée tragique, le couple formé par Arminius et Thusnelda est devenu l’un des plus illustres de l’Histoire germanique qui a inspiré, ensemble et séparément, les artistes de toutes les époques.  Après la redécouverte des récits de Tacite au XVIème siècle,  Arminius et Thusnelda deviennent aux yeux des peuples allemands en quête d’unification les chantres du patriotisme germanique, et ils sont célébrés en 1752 par le poète allemand Friedrich Gottlieb Klopstock dans un récit qui sera mis en musique par Franz Schubert en 1815.
Concernant Thusnelda, on peut notamment citer une célèbre statue datant du IIe siècle la représentant sous les traits d’une prisonnière barbare, située à la Loggia dei Lanzi à Florence, mais aussi un tableau de 1873 du peintre allemand Carl Theodor von Piloty qui la montre comme une prisonnière digne et altière tenant son jeune fils par la main lors du triomphe de Germanicus.

 Statue de prisonnières barbare dite « Thusnelda ». Marbre, œuvre romaine de l'époque de Trajan ou d'Hadrien (IIe siècle ap. J.-C.) avec des restaurations modernes. Provenance : Rome. Dans la collection Capranica della Valle, 1541 ; à la Villa Médicis, Rome, 1584 ; à Florence depuis 1787, placée dans la Loggia dei Lanzi en 1789. Auteur: Jastrow, licence Creative commons
Statue de prisonnières barbare dite « Thusnelda ». Marbre, œuvre romaine de l’époque de Trajan ou d’Hadrien (IIe siècle ap. J.-C.) avec des restaurations modernes. Provenance : Rome. Dans la collection Capranica della Valle, 1541 ; à la Villa Médicis, Rome, 1584 ; à Florence depuis 1787, placée dans la Loggia dei Lanzi en 1789. Auteur: Jastrow, licence Creative commons

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