Quand les Romains taguaient les murs de Pompéï

En l’an 79, le Vésuve entre en éruption et provoque la destruction totale de la ville d’Herculanum et Pompéi. Connue comme une des plus importantes catastrophes naturelles de l’Histoire, et l’une des premières à avoir été documentée avec autant de précision, cette éruption du volcan près de Naples reste aussi la 3eme plus meurtrière de notre ère, puisqu’au moins 30000 personnes y ont perdu la vie. Les témoignages de Pline l’ancien et de son neveu, Pline le jeune, nous permettent aujourd’hui de restituer avec précision les conditions de la catastrophe, et les vulcanologues désignent d’ailleurs les éruptions de volcans similaires au Vésuve comme des éruptions « pliniennes », en hommage à la minutie quasi-scientifique de son témoignage. Ces éruptions sont parmi les plus destructrices et dangereuses qui soient : la pression dans le volcan augmente jusqu’à un point de rupture dans la chambre magmatique, produisant une explosion qui projette débris et lave sur des kilomètres. Le panache volcanique, énorme nuage formé de cendres et de gaz, s’élève ensuite jusqu’à la stratosphère et retombe sur les flancs du volcan en provoquant des nuées ardentes.
Pierre-Henri de Valenciennes (1750-1819), Eruption du Vésuve arrivée le 24 août de l'an 79 de J.-C. sous le règne de Titus, 1813, huile sur toile, musée des Augustins.
Pierre-Henri de Valenciennes (1750-1819), Eruption du Vésuve arrivée le 24 août de l’an 79 de J.-C. sous le règne de Titus, 1813, huile sur toile, Musée des Augustins.

Et il s’agit précisément du scénario de la catastrophe de Pompéi et Herculanum, puisque les deux villes ont été ensevelies sous plusieurs mètres de cendres, figeant à tout jamais leur état au moment de l’éruption. Plus qu’un témoignage sur l’éruption du Vésuve, les sites archéologiques de Pompéi et Herculanum nous offrent un vision inédite sur le monde romain à cette époque, puisque tout y a été conservé sans subir les dégâts du temps. Outre les bâtiments, sculptures et peintures qui nous permettent de reconstituer l’architecture et l’organisation des villes romaines, les cendres ont aussi enseveli les habitants des deux villes, qui demeurent depuis dans la pose qu’ils avaient au moment de mourir. Cette perspective, bien que tragique et lugubre, nous permet d’avoir un regard plus intime sur la vie des romains d’Herculanum et Pompéi.

Karl Brioullov (1799–1852), Le Dernier Jour de Pompéi, 1830-1833, huile sur toile, Musée Russe, Saint-Pétersbourg (Russie).
Karl Brioullov (1799–1852), Le Dernier Jour de Pompéi, 1830-1833, huile sur toile, Musée Russe, Saint-Pétersbourg (Russie).

Dans un registre plus léger, ces sites archéologiques ont aussi révélé l’existence d’un nombre considérable de graffitis dans les ruines. Si vous pensiez jusque la que les tags sur les murs étaient une caractéristique propre à la fin du XXeme siècle, les ruines de Pompéï nous montrent que même à l’époque romaine on ne manquait pas d’imagination pour laisser sa marque sur les murs. Outre les affichages municipaux, les inscriptions liées aux campagnes électorales ou la publicité pour des spectacles, il a aussi été découvert des messages bien plus personnels, tel que « Antiochus se trouvait ici avec sa petite amie Cithera », « Cruel Lalagus, pourquoi ne m’aimes-tu point? », ou bien encore « Je ne veux pas vendre mon époux, même pour tout l’or du monde ».
Si certains sont poétiques, d’autres retrouvés notamment dans un Lupanar, sorte de maison close antique, sont ouvertement obscènes: « Femmes, mon pénis vous abandonne, il pénètre le derrière des hommes désormais », « Restituta veux-tu, enlève ta tunique et montre nous tes parties poilues », « Secundus a déféqué ici », « Theophilius, ne lèche pas les parties des femmes comme un chien contre les murs de la ville », « Secundus aime baiser des garçons », « Gentius lèche la foufoune, Itonusia le lèchera »… Ces inscriptions sont en accord avec les mosaïques des murs de ce genre d’établissement, représentant des relations sexuelles, des femmes ou des hommes nus, et toute la frivolité caractéristique d’un haut lieu de la prostitution. Si ces inscriptions nous font aujourd’hui sourire, elles sont en tout cas un témoignage précieux et intime sur la vie du temps des romains, et nous offrent une vision un peu différente de l’Histoire, à l’opposé de grands évènements ayant changé le monde, et plus proche du peuple…

Couple au lit. Fresque du mur sud, zone supérieure au-dessus de l'entrée de la salle f dans le Lupanar à Pompéi. 70-79 AD.
Couple au lit. Fresque du mur sud, zone supérieure au-dessus de l’entrée de la salle f dans le Lupanar à Pompéi. 70-79 AD.

 

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