Quand on fit le procès d’un loup-garou : l’affaire Gilles Garnier

Durant l’hiver 1572, les habitants de la région de Dole, en Franche-Comté, sont terrorisés par une série de crimes cannibales commis sur des enfants d’une dizaine d’années. Le coupable est rapidement désigné par la justice : il s’agit d’un loup-garou…

Tout commence au mois d’octobre 1572, quand on retrouve dans un vignoble isolé aux alentours de Dole le cadavre d’une petite fille âgée d’une dizaine d’année, visiblement étranglée et dont la chair a été déchiquetée et arrachée. Peu de temps après, huit jours avant la fête de la Toussaint, le mystérieux tueur récidive et s’en prend à une nouvelle enfant, toutefois, il est interrompu par des passants dans son ignoble forfait, prend la fuite et abandonne la fillette à moitié-morte, cette-dernière succombant quelques jours plus tard à ses blessures.  Une semaine plus, tard le monstre semble désormais devenu incontrôlable : il s’en prend à un garçon de dix ans dont il dévore la chair du ventre, du bras et des cuisses. C’en est trop pour les autorités de la ville de Dole, qui lancent un mandat d’arrêt à l’encontre du mystérieux tueur cannibale. Les témoignages affluent, de nombreuses personnes lui prêtant l’apparence d’une bête féroce ressemblant à un loup, et les villageois se mobilisent pour traquer le monstre.

Loup-garou, illustration de Lucas Cranach l'Ancien.
Loup-garou, illustration de Lucas Cranach l’Ancien.

Quelques jours plus, tard, l’individu commet un quatrième crime sur un autre petit garçon, et ce sera cette fois-ci le crime de trop. Surpris par des villageois alors qu’il était en train de l’étrangler, l’homme prend la fuite mais est arrêté peu de temps après. L’identité du coupable est révélée :  il s’agit de Gilles Garnier, un ermite qui s’était installé depuis plusieurs années dans l’ancienne chapelle abandonnée de Saint-Bonnot, en plein cœur de la forêt d’Amange.

Soumis à la torture, l’homme finit par confesser tous ses crimes et par raconter son histoire. Ayant pris une femme qui lui donna plusieurs enfants, la misère s’était installée dans le foyer qui ne disposait d’aucune source de revenu, d’autant plus que l’hiver fut cette année-là particulièrement rude dans le pays de Dole, touché par une famine sévère. Une nuit, alors qu’il était parti chercher à manger pour sa famille et désespérait de ne trouver aucun gibier pour nourrir les siens, il rencontra un fantôme qui lui proposa de lui accorder le pouvoir de se changer à volonté en la bête de son choix, guépard, loup, ou bien encore lion, et l’ermite ayant choisi le loup, le fantôme lui fit don d’un onguent dont l’application lui permettrait de prendre cette apparence. Depuis ce temps-là, le soir venu, Gilles se changeait en loup-garou et c’est sous cette forme qu’il s’en prendrait aux enfants ayant le malheur de croiser son chemin, ces-derniers étant, de son propre aveu, plus faciles à tuer, avant de déchiqueter leur chair et d’en rapporter les morceaux à sa femme Apolline.

Grotte de l'Ermitage, Massif de la Serre (Jura, France). Crédits photos : Q. Scouflaire CC BY-SA 3.0. Source : Wikicommons.
Grotte de l’Ermitage, Massif de la Serre (Jura, France). Crédits photos : Q. Scouflaire CC BY-SA 3.0. Source : Wikicommons.

Une fois ses meurtres confessés, Gilles Garnier eut droit à un procès expéditif et fut condamné le 13 janvier 1574 aux motifs du meurtre commis sur la personne quatre enfants et pour avoir dévoré leur chair sous la forme d’un loup-garou, cette accusation de lycantropie constituant un cas unique dans les archives de justice françaises parvenues jusqu’à nous. Histoire de bien enfoncer le clou, le troisième et dernier motif de condamnation – et non des moindres aux yeux de la cour de justice – est qu’il s’est permis de commettre l’un de ses actes de cannibalisme un vendredi et d’enfreindre ainsi la règle chrétienne interdisant de « manger gras » ce jour de la semaine.

Arrêt à l'encontre de Gilles Garnier. Source : Gallica.
Arrêt à l’encontre de Gilles Garnier. Source : Gallica.

Pour toutes ces raisons, la cour du parlement de Dole le condamne à être brûlé vif, le sort que l’on réservait alors aux sorcières. Cette sentence s’explique par la réputation que l’on attribue aux loups-garous à cette époque : si la croyance en la lycantropie existe depuis l’Antiquité, la perception du loup-garou varie considérablement en fonction des sociétés, et dans une société du XVème siècle encore fortement régie par la croyance religieuse et les superstitions liées à la dichotomie entre bien et mal, le loup-garou est considéré comme un individu ayant, au même titre que les sorcières, accompli un pacte avec le diable.  Néanmoins, la croyance en le loup-garou ne durera plus bien longtemps : dès le siècle suivant, le médecin hollandais Jean Wier réfute l’existence de telles créatures et leur lien avec une quelconque phénomène surnaturel et attribue la lycantropie à une maladie clinique provoquant des crises d’hallucinations chez ceux qui en étaient atteints et leur conférant une apparence blême et effrayante pouvant de loin s’apparenter à celle d’un animal.

Sources :

Partager l'article:
0

3 pensées sur “Quand on fit le procès d’un loup-garou : l’affaire Gilles Garnier

  • 9 mai 2018 à 14 h 17 min
    Permalink

    Bonjour. Un article très intéressant, mais malheureusement il y a une petite coquille, vous avez écrit « condamné le 13 janvier 1474 » alors que c’est 1574.

    Répondre
    • 10 mai 2018 à 0 h 19 min
      Permalink

      D’accord merci on corrige!

      Répondre
  • 12 mai 2020 à 9 h 35 min
    Permalink

    Mais la personne qui lui a donné ça sorte de potion ? Pourquoi n’ont ils pas chercher ? La personne la plus coupable est le fournisseur de « potion ».

    Répondre

Répondre à Guillet Mathieu Annuler la réponse

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *