Qu’est-il arrivé aux 7 merveilles? – Le Temple d’Artémis à Ephèse

Des jardins suspendus de Babylone au colosse de Rhodes, en passant par le mausolée d’Halicarnasse ou la pyramide de Khéops… les 7 Merveilles du Monde antique sont sans doute les constructions les plus connues de l’Histoire, acclamées depuis 2000 ans comme des monuments aux proportions ayant dépassé l’entendement. Pourtant aujourd’hui, de ces chefs-d’œuvre de l’Antiquité, un seul est resté debout. Retour aujourd’hui sur un monument considéré souvent comme la plus belle des 7 merveilles, de sa reconstruction à sa disparition dans les méandres de l’Histoire…

Une fois n’est pas coutume, c’est à l’ouest de l’Anatolie dans l’actuelle Turquie que nous retrouvons une autre des sept merveilles du Monde, plus précisément dans la ville antique d’Ephèse située à une centaine de kilomètres au nord du site du mausolée d’Halicarnasse, une autre des sept merveilles. C’est dans cette cité qu’est construit autour de -550 avant J.C. le Temple d’Artémis dédié à la gloire de la déesse tutélaire de la ville, sur les plans d’un architecte crétois nommé Chersiphron et de son fils Métagénès. Dès sa construction cet édifice impressionne par ses dimensions monumentales, 115 mètres de long pour 46 de large, soit un peu moins de deux fois la taille du Parthénon à Athènes, mais aussi par sa structure entièrement composée de marbre, ce qui en fait d’ailleurs le plus ancien temple grec construit entièrement avec ce matériau.

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Comparaison approximative des tailles du Parthénon d’Athènes (en rouge) et du temple d’Artémis d’Ephèse.

Durant deux siècles, l’Artémision (nom grec du temple) fait la gloire de la grande cité d’Ephèse: voyageurs, marchands et rois de tout le monde connu s’y rendent pour contempler le monument et laisser des offrandes à la déesse de la nature sauvage, le sanctuaire comme d’autres à l’époque servant aussi d’asile pour ceux qui voudraient fuir les persécutions ou la justice. Antipatros de Sidon, auteur d’une des listes les plus anciennes des sept merveilles au IIeme siècle avant J.C., considère même ce monument comme le plus fabuleux: « Mais quand je vis la maison d’Artémis s’élevant jusqu’aux nuages, ces autres merveilles perdirent leur éclat, et je dis qu’ormis l’Olympe, jamais le soleil ne vit si grande chose.« . Pourtant, il est peu probable que le poète phénicien parle du même temple que celui construit au VIeme siècle avant notre ère…

En -356 avant J.C., le Temple d’Artémis est détruit par un incendie provoqué par Erostrate, un inconnu qui cherchait ainsi à faire entrer son nom dans l’Histoire. Après avoir été capturé et interrogé sous la torture, les Éphésiens le condamnent à mort et à la première damnatio memoriae de l’Histoire: désormais, il serait interdit de prononcer le nom d’Erostrate ou d’honorer sa mémoire. Ironiquement, par cet acte et cette condamnation, le criminel entra effectivement dans l’Histoire à tel point qu’il est même aujourd’hui plus connu que l’architecte même de l’Artémision, comme le faisait remarquer Sartre en 1939 dans sa nouvelle éponyme. Le Temple dont parle Antipatros de Sidon dans sa liste des Sept Merveilles n’est donc pas celui d’origine, qui d’ailleurs était lui-même une reconstruction d’un premier temple archaïque, mais un troisième monument bâtit sur les ruines du précédent.

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Reproduction en miniature du temple d’Artémis à Ephèse basée sur les plans réalisés à partir des fouilles, qu’on peut admirer dans le Miniatürk Park d’Istanbul, en Turquie. Crédits photo: Zee Prime pour WIkimedia Commons, CC BY-SA 3.0.

C’est 33 ans après sa destruction, en -323 avant J.C., que l’Artémision émerge de nouveau, sur des plans proches du précédent mais avec des dimensions encore plus généreuses, la longueur étant dorénavant de 137 mètres de longueur pour 69 mètres de largeur, faisant de lui le plus vaste temple grec de l’Antiquité. Si le célèbre roi de Lydie, Crésus, avait offert une partie des fonds nécessaires à la construction du précédent temple, cette fois le financement provint de nombreuses cités d’Asie Mineure, Ephèse organisant même à l’époque un service bancaire de prêt, faisant du Temple d’Artémis l’un des plus vieux organismes financiers de l’Histoire. Alexandre le Grand aurait lui aussi proposé aux Éphésiens de financer la reconstruction de l’Artémision, mais ces derniers refusèrent de s’associer à lui, peut-être en raison de cette affirmation (rapportée plus tard par Plutarque) qui voudrait que le temple ait été incendié dans la nuit du 21 juillet en -356 avant J.C., soit le jour même de la naissance du roi macédonien…

Le nouveau temple en tout cas n’a rien à envier à l’ancien, puisqu’en plus de sa taille plus importante, il est lui aussi orné de nombreuses œuvres et décorations réalisées par les meilleurs artistes de l’époque: la décoration de l’autel est de Praxitèle, auteur de l’Aphrodite de Cnide, et de nombreux bas-reliefs sont réalisés par Scopas, le même sculpteur qui travaille sur le mausolée d’Halicarnasse. Mais la pièce maitresse de la merveille est bien entendue la statue d’Artémis, conservée dans le naos du temple, dont l’apparence pourrait en étonner plus d’un: en effet à Ephèse, ce n’est pas vraiment la Artémis grecque que les habitants vénèrent, mais une divinité de la fertilité dont le culte est sans doute antérieur à l’arrivée des grecs en Ionie.

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Copie de la statue d’Artémis qui se trouvait dans le temple à Ephèse, conservée aujourd’hui dans la collection Farnèse du musée archéologique de Naples. Crédits photo: Marie-Lan Nguyen pour Wikimedia Commons, CC BY 2.5.

Au contraire de la Artémis grecque, le plus souvent représentée en mouvement dans des attributs évoquant la nature et la chasse, la déesse d’Ephèse est elle représentée dans une position stoïque les deux pieds joints, le bas de son corps rappelant un sarcophage, et avec de nombreuses protubérances au niveau de la poitrine évoquant des seins. Ce trait caractéristique évoquerait d’après les historiens la fertilité ou la fécondité, éléments couramment attribués au culte d’Artémis dans la mythologie grecque, ce qui expliquerait l’association de la déesse d’Ephèse à Artemis, sans doute une association des premiers colons grecs arrivés à Ephèse qui cherchèrent à assimiler une divinité locale de la région, pratique très courante dans l’Antiquité ayant pour nom interpretatio graeca.

Pour en revenir au temple, cette version reconstruite fera une nouvelle fois la gloire de la cité d’Ephèse, et son culte prospérera jusqu’au début de notre ère. Après être resté plusieurs siècles inviolé, le Temple d’Artémis sera pillé par l’empereur romain Néron qui y récupèrera quelques sculptures pour les ramener à Rome, puis par un raid des Goths en 265 de notre ère. La merveille deviendra alors le sujet des conflits régionaux entre les païens fidèles au culte d’Artémis et la religion chrétienne naissante, étant cité à cette fin dans le cinquième livre du Nouveau Testament: « Le danger qui en résulte, ce n’est pas seulement que notre industrie ne tombe en discrédit; c’est encore que le temple de la grande déesse Diane ne soit tenu pour rien, et même que la majesté de celle qui est révérée dans toute l’Asie et dans le monde entier ne soit réduite à néant. »

La légende voudrait que l’apôtre Jean, arrivé à Ephèse pour prêcher la foi du Christ, aurait prié devant le temple pour montrer la vraie foi et vaincre les dieux païens, et qu’à ce moment précis le Temple d’Artémis se serait effondré et que toute la population de la ville se serait convertie. Ce récit apocryphe n’étant évidemment pas une source fiable, le sort du temple est incertain à cette époque: ce qui est sûr, c’est que le culte d’Artémis est progressivement abandonné au fur et à mesure de la montée du christianisme dans l’empire romain, avant que le temple ne soit définitivement fermé par les Chrétiens au milieu du Veme siècle de notre ère. Nul ne sait combien de temps l’Artémision est resté debout après cette date, ni si à ce moment-là il n’était pas déjà en ruine, mais comme de nombreuses autres merveilles de l’Antiquité, le temple d’Artémis servit de carrière de pierre pour de nouvelles constructions, certaines de ses colonnes auraient même été utilisées pour l’édification de la basilique Sainte-Sophie à Constantinople.

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Colonnes qui proviendraient du temple d’Artémis, réutilisées ici pour la construction de la basilique Sainte-Sophie, cette pratique de reprendre des éléments d’un monument disparu pour l’édification d’un autre étant très répandue à l’époque. Crédits photo: xlibber pour Wikimedia Commons, CC BY 2.0.
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