Qu’est-il arrivé aux 7 merveilles? – Le mausolée d’Halicarnasse

Des jardins suspendus de Babylone au colosse de Rhodes, en passant par le mausolée d’Halicarnasse ou la pyramide de Khéops… les 7 Merveilles du Monde antique sont sans doute les constructions les plus connues de l’Histoire, acclamées depuis 2000 ans comme des monuments aux proportions ayant dépassé l’entendement. Pourtant aujourd’hui, de ces chefs-d’œuvre de l’Antiquité, un seul est resté debout. Retour aujourd’hui sur l’histoire du mausolée d’Halicarnasse, merveille méconnue, de sa construction dans l’actuelle Turquie à sa disparition dans les méandres de l’Histoire…

Souvent l’une des sept merveilles les plus méconnues, le mausolée d’Halicarnasse est pourtant un monument majeur de l’Antiquité et surtout l’une des seules merveilles du Monde disparues dont nous avons pu retrouver le site archéologique et confirmer l’existence avec certitude. Ces ruines, ainsi que de nombreux autres sites de l’antique cité d’Halicarnasse ont été mis à jour dans l’actuelle ville de Bodrum, bordant la mer Egée au sud-ouest de la Turquie. Si cette merveille n’est sans doute pas la plus connue, son influence culturelle est pourtant des plus notables puisque c’est cette construction qui donna son nom au terme même de mausolée, issu du roi à qui ce monument funéraire était dédié, Mausole, tout comme l’île de Pharos a donné naissance au terme phare, mais on reparlera de celle-ci un peu plus tard…

Gravure du XIXeme siècle montrant une représentation du mausolée d'Halicarnasse basé sur les témoignages de ses contemporains
Gravure du XIXeme siècle montrant une représentation du mausolée d’Halicarnasse basée sur les témoignages de ses contemporains.

Le Mausolée d’Halicarnasse était de forme rectangulaire, entouré de 36 colonnes et surmonté d’une structure pyramidale à degrés élevant le monument à 43 mètres de haut selon Pline l’ancien, soit à peu près la même hauteur que le Panthéon de Rome. En-dessous de cette partie renfermant la chambre funéraire de Mausole se trouvait un socle en pierre,  trônant au milieu d’une cour au sommet d’une colline, faisant du bâtiment le point dominant de la cité. En plus de ses dimensions généreuses, le mausolée était surtout connu de ses contemporains pour ses riches ornementations, dont une partie fut retrouvée pendant les fouilles archéologiques du site : outre des statues ornant l’intervalle entre chaque colonnes de l’édifice, le mausolée était entouré de nombreux bas reliefs représentant des scènes de la mythologie mais aussi surmonté d’un impressionnant groupe statuaire représentant un chariot tiré par quatre chevaux. Les meilleurs artistes de l’époque de Mausole ont participé à la construction de ce chef d’œuvre, dont notamment l’artiste Scopas connu pour son travail au Temple d’Artémis d’Ephèse, une autre des sept merveilles.

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Cette reconstitution de l’ensemble statuaire du char qui devait se trouver au sommet du mausolée d’Halicarnasse utilise les statues retrouvées sur le site de fouille. On y voit Mausole et sa femme, Artemise II. Source: British Museum de Londres.

Si aujourd’hui la ville d’Halicarnasse n’existe plus, il s’agissait dans l’Antiquité d’une cité de Carie, ancienne colonie dorique devenue satrapie (ou province) achéménide après l’invasion perse au VIeme siècle avant J.C.. Outre son mausolée, Halicarnasse est aussi connue pour être la ville natale d’Hérodote, considéré comme le premier des historiens et le père de la discipline. Mais l’histoire de la cité prend un tournant particulier lorsqu’en -377, Mausole succède à son père Hécatomnos à la tête de la Carie, et décide de faire d’Halicarnasse la nouvelle capitale de son royaume, en espérant transformer la ville en un centre culturel, artistique et militaire majeur. A cette fin, lui et sa femme Artémise II (qui est aussi sa sœur, au passage) font construire de nombreux temples, statues et édifices publics en marbre.

C’est d’ailleurs à Artémise qu’on attribue souvent la construction du mausolée : celle-ci aurait voulu honorer la mémoire de son mari après sa mort en lui faisant construire ce monument funéraire, mais elle-même étant morte seulement 2 ans après Mausole, il est impossible qu’un monument aussi important ait pu être construit en si peu de temps. Cette légende est issue d’une vision très romancée de la vie de la reine de Carie, popularisée par le livre De Mulieribus Claris rédigé au XIVème siècle par Boccace et qui offre une biographie de femmes importantes dans l’Histoire. Le récit qui y est fait de la vie de la femme de Mausole affirme qu’après la mort de son époux, en plus de faire construire le mausolée, elle aurait bu ses cendres, et il n’en fallait pas plus pour faire d’elle un parfait exemple de l’amour pur et chaste d’une veuve éplorée, l’auteur omettant évidemment de préciser que Mausole et elle étaient frères et sœurs. Cette conception romantique de la vie d’Artémise II fera d’elle un sujet prisé des artistes de la Renaissance tels que Rembrandt, contribuant à forger cette légende dorée de la veuve d’Halicarnasse qui ne se base pas sur des faits avérés.

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Peinture de Gerrit van Honthorst représentant la reine Artémise sur le point de boire une coupe contenant les cendres de son époux, 1635.

Toujours est-il qu’il est fort probable que la construction du mausolée d’Halicarnasse ait en réalité débuté du vivant même du souverain et ait été poursuivie par sa femme après sa mort, avant que le monument ne soit achevé par leur frère et successeur, Idrieus. La merveille resta ensuite intouchée pendant des siècles : elle demeure  intacte lorsque Alexandre Le Grand assiège la ville en -334, bien que le reste de la ville ait été incendié et rasé par le général macédonien. Au début du XIVe siècle, les ruines d’Halicarnasse et le mausolée sont redécouverts par les chevaliers hospitaliers, alors en guerre contre les Turcs seldjoukides. A cette époque, le mausolée se trouvait en piteux état faute d’entretien, laissé à l’abandon depuis l’Antiquité dans une ville fantôme et considérablement endommagé du fait d’enlisements et de tremblements de terre. Un groupe de chevaliers tentera de pénétrer le mausolée pour en sauver les trésors, mais découvrira qu’il a déjà été pillé; seules les statues encore en bon état purent être récupérées, et furent cachées dans un château qu’on construisit en réutilisant les pierres qui restaient de l’édifice : le château Saint-Pierre de Bodrum.

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Vue actuelle du château de Bodrum, construit sur les ruines du mausolée d’Halicarnasse par les Hospitaliers au XVeme siècle.

Aujourd’hui, seul les fondations du Mausolée d’Halicarnasse subsistent, redécouvertes par des fouilles archéologiques à Bodrum. Mais l’influence de la merveille est loin de s’être éteinte: son architecture particulière a été source d’inspiration pour les architectes du monde entier, qui reprirent quelques éléments caractéristiques du mausolée comme sa colonnade et son toit pyramidal pour réaliser des édifices modernes. Son style a particulièrement influencé l’architecture néoclassique américaine du début du XXeme siècle, notamment à travers des réalisations comme la PNC Tower de Cincinnati, mais aussi la tombe du président Ulysses S. Grant à New York, ou encore la maison du temple maçonnique de Washington. Enfin, si vous avez la chance de visiter le parc Miniaturk à Istanbul, le Mausolée d’Halicarnasse y a été reproduit en modèle réduit, pour le plaisir des visiteurs d’aujourd’hui qui n’auront jamais eu la chance de voir la vraie merveille debout.

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La maison du Temple (House of the Temple en anglais) à Washington, siège d’une loge maçonnique dont l’architecture s’inspire fortement du mausolée d’Halicarnasse.
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