Qu’est-il arrivé aux 7 merveilles? – Le colosse de Rhodes

Des jardins suspendus de Babylone au colosse de Rhodes, en passant par le mausolée d’Halicarnasse ou la pyramide de Khéops… les 7 Merveilles du Monde antique sont sans doute les constructions les plus connues de l’Histoire, acclamées depuis 2000 ans comme des monuments aux proportions ayant dépassé l’entendement. Pourtant aujourd’hui, de ces chefs-d’œuvre de l’Antiquité, un seul est resté debout. Retour aujourd’hui sur le colosse de Rhodes, de sa construction à sa disparition dans les méandres de l’Histoire…

Le colosse de Rhodes était une gigantesques statue du dieu solaire Hélios, construite dans la baie du port de l’île de Rhodes, près des côtes d’Anatolie, au IIIeme siècle avant J.C., construite en mémoire de la victoire des insulaires face aux forces de Démétrios Ier Poliorcète, qui tenta sans succès d’envahir l’île en -305. Entièrement recouverte de bronze, sur une armature de bois, c’était à l’époque un chef d’œuvre à la fois artistique mais aussi technique qui a fait l’admiration de ses contemporains. Aujourd’hui encore, c’est l’une des sept merveilles les plus connues, sans doute en raison de son caractère atypique qui a longtemps inspiré les artistes du monde entier et les inspirent encore; pourtant il s’agit aussi d’une des merveilles ayant été le moins longtemps debout (sans mauvais jeu de mot)…

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Représentation du Colosse de Rhodes par Ferdinand Knab en 1886.

Au IVeme siècle avant J.C., à la mort d’Alexandre le Grand se pose le problème de sa succession et l’héritage de son immense empire, le roi de Macédoine n’ayant laissé derrière lui qu’un seul héritier posthume, né de son union avec sa première femme, Roxane. Très rapidement, le partage des territoires entre ses généraux, également appelés diadoques, et leurs rivalités annoncent les germes d’un conflit qui durera 42 ans, les guerres des Diadoques, de -323 à -281. A cette époque l’île de Rhodes, située au sud-ouest des côtes anatoliennes, domine la mer Égée et est en lutte contre des bandes de pirates agissant en Méditerranée, ce rôle lui assurant une certaine indépendance ainsi qu’une solide réputation sur les mers. Mais cette position stratégique attire la convoitise d’un des diadoques d’Alexandre, Antigone le Borgne, qui désire s’emparer de l’île pour asseoir son influence et instituer une thalassocratie, en dominant la mer Méditerranée et les autres généraux.

Grèce Antique
Carte des royaumes diadoques en mer Egée vers 311 avant J.C. La Thrace et la Macédoine sont contrôlées respectivement par Lysimaque (vert) et Cassandre (jaune), tandis qu’Antigone occupe l’Attique, et la quasi-totalité de l’Anatolie (bleu). Rhodes (en rouge) représente alors une cible de choix pour les diadoques qui voudraient contrôler la mer Egée.

Il charge son fils Démétrios de la conquête de l’île, et ce dernier part donc avec une flotte de 200 navires de combat, et un nombre important de bateaux pirates et marchands, engagés dans ce conflit dans l’espoir de pouvoir piller ce qui restera de Rhodes et en tirer un large butin. Mais à son arrivée sur l’île, il se retrouve incapable de prendre la ville fortifiée par la mer et est contraint de l’assiéger pendant un an, période durant laquelle son armée ravagera le reste de l’île. Durant le siège de Rhodes, Démétrios tente d’attaquer la ville à l’aide de l’hélépole, immense tour de siège de 40 mètres de haut équipée de catapultes et demandant l’action coordonnée de 3400 hommes, mais malgré ces moyens considérables, la cité reste inviolée. Au bout d’un an, le fils d’Antigone le Borgne lève le siège et signe un pacte avec Rhodes pour s’assurer de sa neutralité dans les guerres entre diadoques…

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Pièce de monnaie à l’effigie de Démétrios, avec une représentation de Poséidon au revers. Source: Classical Numismatic Group, Inc., CC BY-SA 3.0.

L’histoire du colosse de Rhodes commence une dizaine d’années après ce siège : attribuant leur survie à la protection du dieu patron de l’île, la divinité solaire Hélios, les habitants décident de construire une monumentale statue à son effigie pour l’honorer. Pour fournir le bronze nécessaire à la construction du colosse, on réutilise les armes laissées par Démétrios lors de son départ de l’île, de même que l’hélépole, qui est démontée et sert d’échafaudage selon certains auteurs pour élever la statue. Juché sur un piédestal de 18 mètres de diamètre, rond ou hexagonal selon les sources, le colosse de Rhodes s’élève à plus de 32 mètres de haut, soit la même hauteur que la Statue de la Liberté à New York.

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Maquette représentant l’hélépole antique, conservée au centre des Sciences et de la Technologie de Thessalonique, en Grèce. Source: Gts-tg pour Wikimédia Commons, CC BY-SA 4.0.

Tout comme la statue chryséléphantine de Zeus en Olympie, bien que son existence soit avérée, il n’existe aujourd’hui plus aucune trace du colosse de Rhodes, et mis à part les récits des auteurs ayant visité l’île, nous n’avons aucune trace qui nous permettrait de savoir exactement à quoi il ressemblait. Ce qui est certain cependant, c’est que la représentation du colosse comme écartant les jambes au-dessus de l’entrée du port de Rhodes est complètement fantaisiste : en effet, si le colosse de Rhodes avait effectivement eu les jambes suffisamment écartées pour laisser passer les bateaux en-dessous, il aurait été plus proche en taille de la Tour Eiffel que de la Statue de la Liberté, et aurait sans doute posé des problèmes techniques que l’architecture et la mécanique de l’époque ne pouvaient évidemment pas résoudre.

Pendant un demi siècle, le colosse de Rhodes surveilla la baie du port, mais en -226, l’île est frappée d’un violent tremblement de terre qui sectionne la statue au niveau des genoux et provoque sa chute. Malgré le soutien du roi d’Égypte Ptolémée III qui propose de financer la reconstruction de la merveille, les habitants de l’île refusèrent après avoir été mis en garde par la Pythie que le tremblement de terre était du à la colère d’Hélios, et qu’ils devaient laisser les ruines du colosse intouchées. Malgré les dommages, la statue continua de faire l’admiration de ceux qui venaient visiter l’île, Strabon affirmant que de nombreuses personnes continuaient de venir visiter l’île juste dans l’espoir de voir ce qui restait de l’Hélios de bronze, et Pline l’Ancien en fera lui aussi une description durant son voyage à Rhodes au Ier siècle.

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Gravure du XIXeme siècle représentant le colosse de Rhodes, dans des proportions réalistes et proches de celles de la statue telle qu’elle existait. Elle est représentée non pas les jambes écartées au-dessus de l’embouchure du port, mais sur un piédestal à proximité.

Le colosse de Rhodes reste ainsi couché au sol jusqu’à l’invasion de l’île par le califat Omeyyade au VIIeme siècle, durant laquelle les troupes arabes font fondre le métal de la statue pour le vendre à un Juif d’Homs. Aujourd’hui, il ne reste plus aucune trace de l’existence de cette merveille, les archéologues n’ayant pu encore déterminer l’emplacement où elle était sensée se dresser. Une théorie suggère que le colosse aurait été construit dans l’acropole de Rhodes et non pas dans le port, à l’emplacement d’un ancien temple d’Apollon surplombant celui-ci. Une autre piste se trouve dans la forteresse St Nicolas, construite par les chevaliers Hospitaliers pendant leur occupation de l’île au XVème siècle, où se trouve une structure non identifiée qui pourrait correspondre aux fondations du socle de la statue d’Hélios. L’hypothèse semble d’autant plus probable que parmi les pierres ayant servi à la construction de la forteresse se trouvent des blocs de marbres, trop bien taillés pour avoir été destinés à servir de remblaie pour une muraille… Malgré tout, le mystère reste pour l’instant entier.

A noter de manière plus anecdotique que depuis plusieurs années plusieurs riches investisseurs ont proposé très sérieusement de reconstruire le colosse de Rhodes, dans des proportions parfois bien plus importantes que la merveille d’origine, aucun de ces projets n’aboutissant car beaucoup trop chers ou irréalistes, preuve s’il en est que la statue d’Hélios continue encore aujourd’hui d’alimenter les fantasmes…

 

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